Les populations vulnérables et menacées sont
nombreuses. L’envahissement par l’humain d’écosystèmes fragiles et de
territoires riches met depuis longtemps en péril la survie des premières nations,
humaines, animales et végétales. C’est connu, mais chaque fois qu’un mot sur
cette réalité pénètre ma conscience, je ne peux m’empêcher d’être envahie par
une puissante onde de tristesse.
De petites colonies de plantes extraordinaires
subsistent ainsi ça et là, protégées par nos instances en la matière. C’est le
cas notamment de l’asclépiade tubéreuse, Asclepias tuberosa. Sa cousine, l’asclépiade commune ou Asclepias syriaca, est la variété la
plus courante par ici. Celle-ci ne souffre pas du statut d’espèce menacée. Elle
pousse un peu partout, en petits groupes dans les grands champs ensoleillés. Mettre
son nez dans un bouquet d’asclépiade est troublant. Son parfum frais et léger
est si délicieux qu’il en ouvre l’appétit.
De la plante sont
comestibles la plupart des parties. Les jeunes pousses au printemps, cuites
comme l’asperge à la différence qu’il est conseillé de les blanchir dans trois
eaux successives pour s’assurer que toute toxicité soit écartée. Notez qu’en ce
qui concerne l’asclépiade commune, les avis sont partagés à ce sujet. Mais il
semble que les hétérosides cardiotoniques (cardénolides) moyennement toxiques
contenus dans la plantes sont solubles dans l’eau. Jeter celle-ci en élimine
donc la quasi-totalité. Les jeunes tiges devraient être récoltées avant
qu’elles n’atteignent vingt centimètres de hauteur. Leurs nombreuses feuilles
sont alors collées sur la tige. Il est important de bien les identifier pour
éviter toute confusion d’espèce et se retrouver avec de l’apocyn chanvrin. Les
tiges de ce dernier sont beaucoup plus rigides que celles de l’asclépiade.
Elles ont aussi une teinte rougeâtre distincte du vert tendre de l’asclépiade.
Les boutons floraux, blanchis
trois minutes, puis légèrement panés et frits, ou préparés comme des brocolis,
sont aussi délectables. Les fruits cueillis tout bébé, ceux parfois appelés
petits cochons, qui s’ouvrent à l’automne et lancent au grand vent leurs graines
soyeuses. Il est important de s’assurer qu’ils sont immatures. Le plus simple,
si vous doutez, sera de les récolter avant qu’ils ne dépassent cinq centimètres
de long. Les blanchir dans quelques eaux bouillantes successives si vous
craignez le latex. Ils peuvent ensuite être cuisinés avec d’autres légumes
verts, ou poêlés, servis avec un peu de citron ou de fromage. Les livres de SamuelThayer, The Forager’s Harvest
et Nature’s Garden sont des
incontournables pour quiconque souhaite intégrer des plantes sauvages à son
assiette.
L’asclépiade est aussi utilisé dans
l’industrie textile. La soie attachée à la graine, permettant la dissémination,
est extraordinairement chaude, isolante, imperméable et absorbante. Une
entreprise de Granby, Productions ÉTIC en exploite les qualités. Avis
aux personnes intéressées, ils recrutent des producteurs.
La plus médicinales des asclépiades est l’Asclepias tuberosa, pratiquement
disparue au Québec comme je mentionnais précédemment. Les colons anglais l’ont
baptisé « pleurisy root »,
en référence à l’aide fantastique que son rhizome offre dans le traitement de
la pleurésie, comme de la majorité des infections pulmonaires : bronchite,
pneumonie, catarrhe, grosse toux sèche. Il
relaxe les bronches et bronchioles, diminue les spasmes, favorise l’élimination
du mucus. L’asclépiade agit aussi sur la fièvre, stimulant la sudation et la
dispersion des fluides.
La médecine traditionnelle chinoise dit que le
poumon disperse et diffuse les fluides et le Qi. Il favorise la perméabilité
des tissus et la douce distribution des substances, vers l’extérieur via la
peau et vers le bas jusqu’au rein. Ceci résume assez bien l’action de
l’asclépiade. L’observation des gousses, selon la Théorie des signatures,
permet le même type de raisonnement : à l’automne, les gousses s’ouvrent
et laisse le vent disperser leurs graines dans toutes les directions. L’image
est jolie et donne une bonne idée, je trouve, du potentiel de drainage et
d’évacuation de la plante.
Il convient alors de se demander pourquoi
l’asclépiade est-elle si peu usitée ? L’Asclepias
tuberosa est pourtant utilisée depuis des millénaires par les peuples autochtones,
puis par les médecins arrivés d’Europe, ayant appris ses usages des premières
nations. Pour plusieurs auteurs, l’Asclepias
syriaca possède les mêmes propriétés médicinales que sa cousine. Leur
potentiel toxique semble ainsi être la cause de leur désuétude. Certaines
précautions les rendent toutefois sécuritaires et permettent de bénéficier des
merveilles quelles offrent. La première étant de consulter son herboriste avant
d’envisager de l’utiliser pour ses vertus médicinales, en particulier pour les
personnes avec des troubles cardiaques, les femmes enceintes ou allaitantes,
les bébés, les personnes âgées. La combiner à d’autres plantes est aussi une
bonne idée, tout comme de limiter la durée du traitement. Autrement, faites
comme les papillons monarques qui s’en nourrissent allègrement et cuisinez
l’asclépiade du printemps à l’automne, même durant l’hiver pour les adeptes de
la congélation.
Bon appétit !
PS L'automne est le parfait moment pour semer de l'asclépiade. La fondation David Suzuki en vend sur le net via son site internet, avec instructions et tout. Elle pousse bien et nourri les monarques alors, pourquoi se retenir :-)
Annie Rouleau
Herboriste praticienne
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