vendredi 30 octobre 2015

Sur la réalité d’un envahisseur

Je réitère : la nature terrestre est merveilleuse et l’accès à son intelligence est offert gratuitement à tout humain consentant, moyennant un seul dépôt de garantie : l’humilité.

Dans mon article précédent, je soulevais mon questionnement quant à la présence si imposante de Renouée du Japon sur les terres que nous habitons. La relation de pure haine que nombre d’entre nous entretenons avec cette plante est fascinante. À croire qu’elle provoque un sentiment d’incursion beaucoup plus intime que celui qu’elle opère réellement.
Oui la renouée du Japon est envahissante, mais la nature n’est ni maligne, ni mesquine, encore moins insensée. Les mauvaises herbes n’existent pas! Ce sont des plantes soit inconnues des importunés, soit qui poussent en un lieu qui ne convient simplement pas à ceux-ci. Mais toutes les plantes soignent la terre, au même titre qu’elles peuvent nous soigner. La molène, par exemple, pousse sur des terres brûlées ou trop vivement écorchées. Elle couvre le sol de ses grandes feuilles feutrées, créant un baume qui permet à l’humidité de nourrir la terre. Après quelques années, ce traitement permet à d’autres plantes de croître et à de nouveaux écosystèmes de s’implanter. Elle fait la même chose sur les poumons blessés. Les muqueuses du corps humain ne sont pas si différentes de celles de la planète.

La renouée du Japon n’échappe pas à la tradition de ces plantes peu comprises. Pourtant la Médecine traditionnelle chinoise, tout comme les autres médecines asiatiques l’utilisent depuis fort longtemps. Ses vertus sautent aujourd’hui à nos yeux nord-américains du fait de son lien avec la maladie de Lyme. De fait, la renouée du Japon s’installe sur le chemin des porteuses de la maladie et croît au même rythme que cette dernière. Plus la maladie de Lyme est présente, la plante le sera tout autant.
Est-il nécessaire de dire que la renouée du Japon est une des pierres angulaires des protocoles de traitement holistique de cette troublante pathologie !
Bien entendu, peu de recherches scientifiques corroborent les millénaires de connaissances empiriques. Plusieurs composantes biochimiques de la plante ont toutefois été identifiées, comme le polyphénol resvératrol et ses dérivés, les cis­resvératrol et trans-­resvératrol. Le resvératrol est très présent dans la peau du raisin, donc dans le vin rouge. Il est, entre autre, antioxydant et contribue à la bonne santé du système cardio-vasculaire.
La renouée du Japon contient beaucoup d’autres composantes importantes que je ne vous énumèrerai pas ici, la biochimie n’étant pas la langue maternelle habituelle de nos contrées.
Pour faire simple, la renouée du Japon est utilisée, principalement, pour ses propriétés antibactériennes et antioxydantes, et pour son support aux systèmes cardio-vasculaire et immunitaire. Elle agit directement sur l’intégrité de plusieurs bactéries, comme la Borrelia burgdorferi responsable de la maladie de Lyme, sur les taux de lipides sanguins et leurs dérivés : triglycérides, phospholipides, LDL et HDL, sur le foie, sur le gros intestin et sur certains types de cellules cancéreuses. C’est énorme, j’en conviens, et je dois dire que je suis la première surprise de cet état de fait. N’en demeure pas moins qu’aux dires d’un si grand nombre d’herboristes et médecins asiatiques, la renouée du Japon est une merveille de la nature! J’y reviendrai sans doute dans un prochain texte, cette plante m’interpelle à ce point, je ne sais toujours pas, même après toute cette recherche, sur quel pied danser! Me reste qu’à l’essayer pour vrai !

Je ne conclurai, pour l’instant, que sur ce point : Les plantes se promènent sur la planète, avec ou sans l’assistance humaine et elles savent où s’installer. Le facteur temps entre ici en ligne de compte. Le facteur observation serait plus juste, voir même contemplation. Observer le cycle des choses demande du temps et de la disponibilité. Et les mouvements de la nature sont lents. Ils requièrent, pour être suivis, d’arrêter pour voir. Se pauser avant l’arrêt final et jouir de l’instant présent, juste pour le plaisir, ou pour constater ce qui est offert, comme la résilience fantastique de la nature.



Petite lecture que je suggère, qui date un peu aujourd’hui il est vrai, mais qui se lit de manière délectable : Le texte La liste des choses à ne rien faire de Josée Blanchette, édition du 24 juillet du journal Le Devoir. Magnifique !


Annie Rouleau
Herboriste praticienne

Références :

- La renouée du Japon : Polygonum Cuspidatum Sieb. et Zucc. (Polygonaceae), thèse présentée pour l’obtention du titre de Docteur en Pharmacie, par Aurélie Constancias, thèse soutenue publiquement à la Faculté de pharmacie de Grenoble, Le 17 Décembre 2008

- Healing Lyme: Natural Healing and Prevention of Lyme Borreliosis and Its Coinfections, par Stephen Harrod Buhner

- Invasive plant Medicine, The Ecological Benefits and Healing Abilities of Invasives, par Timothy Lee Scott



Puisqu’on en parle

La nature terrestre est merveilleuse, je le dis souvent dans ces pages. J’aime ses sautes d’humeur, ses contrastes, ses crescendos extraordinaires. Ses aubes pâles de printemps, ses envolées lyriques de poésie automnale.


Mais surtout, surtout, j’aime l’été ! Ses trente-cinq degrés à l’ombre, l’eau glacée des ruisseaux qui fouette le sang en plein soleil. Les lacs noirs, les arbres, le sous-bois, les plantes.
Quelle chance avons nous de vivre dans autant de beauté. Certains l’oublient souvent, malheureusement, saccageant des lieux précieux pour quelques poignées de dollars de plus. Je trouve ainsi tout à fait jouissif de voir les humains aux prises avec une nature difficile et têtue, contrariant l’activité.

J’aime aussi observer les liens qu’elle suggère dans sa relation avec notre espèce. Comme l’attirance d’une personne envers une fleur particulière plutôt qu’une autre, ou la présence spontanée d’une plante dans l’entourage d’une personne en particulier plutôt qu’une autre. Il est amusant de constater combien ces attraits et proximités peuvent en dire long sur les besoins des gens.

Il y a plusieurs années, la région de Brossard principalement était littéralement envahie de valériane. Cette longue plante de terres en friche, de rives et de lieux ouverts est une bonne amie des insomniaques et autres grands tendus ayant fortement besoin d’un relaxant. Alors je me suis dis que les habitants de Brossard avaient sans doute bien besoin de dormir !
Ou encore, cette dame qui affectionne tant les million d’hydrangées qui poussent devant chez-elle. Peut-être les chérit-elle à ce point parce qu’inconsciemment, elle sait qu’elle pourra les utiliser plus tard pour soigner la prostate de son homme !
Amusant je trouve !

Mais la plante de laquelle j’ai envie de vous parler ne propose pas de correspondance claire quand à la raison de sa présence, pourtant si intense et dérangeante. Je parle de la renouée du Japon, le Polygonum cuspidatum, ou Fallopia japonica. Celle-ci ne me fait aucunement rire par contre, je la trouve même un peu épeurante parce que si efficacement envahissante. Tout de cette plante me laisse perplexe. Admirative, mais perplexe. Admirative quand à son importance dans la pharmacopée mondiale, mais perplexe surtout par rapport à son impact négatif sur les autres espèces végétales qu’elle extermine de sa simple présence, allant jusqu’à relâcher des toxines souterraines empêchant les autres plantes, arbres et arbustes de pousser à proximité. Les berges des ruisseaux en regorgent de plus en plus, comme nous le constatons tous j’imagine.


Par contre, tout de cette plante est incroyablement médicinal. J’y reviendrai dans un prochain texte, le sujet méritant beaucoup de mots.

Observons seulement son comportement. La renouée du Japon affectionne les sols humides et riches des bordures de cours d’eau, de même que les terres alluviales, donc nouvellement ou fréquemment perturbées, entre autre par l’activité humaine.
Sa présence sur les rives est particulièrement intéressante puisqu’en empêchant le peuplement par des espèces indigènes, qui elles assurent la fixation du sol, la renouée utilise l’érosion pour étendre sa colonisation. Il suffit en effet d’un tout petit bout de rhizome pour générer une nouvelle plante… Il est aisé de visualiser une crue printanière entrainant sur son passage des parcelles de berges jonchées de fragments de renouée, dévalant quelques kilomètres, semant ça et là de nouvelles colonies. Très efficace comme technique ne trouvez-vous pas ?
Mais que diable une telle invasion peut-elle servir?
Les cours d’eau ? Aucun intérêt de prime abord. Sauf peut-être leur élargissement, s’il est souhaité bien entendu. La faune non plus n’est pas gagnante, perdant les précieuses zones d’ombres produites par les arbres. Mais est-ce tout ? Ces rhizomes, pouvant atteindre dix mètres de long et s’enfoncer jusqu’à trois mètres dans le sol, faisant partie de dense colonies monospécifiques ne sont ils vraiment d’aucune utilité pour leur environnement ?
Honnêtement je ne sais répondre à cette question. Pas encore du moins mais elle m’intrigue. Comme la présence de l’hydrangée ou celle de la valériane. Je dirai seulement que le comportement de la renouée du Japon n’est pas sans rappeler celui de nombreux humains.
Nous avons donc un bel été de réflexion en perspective !

Entre temps, certains pays, notamment le notre, semblent sur la piste de techniques de lutte efficaces, comme celle d’utiliser une solution saline injectée à cinquante centimètres dans le sol à proximité des plants coupés, trois à quatre semaines après l’étêtage 1. Cette même coupe est essentielle à la fragilisation de la colonie.


Que faire des pousses coupées ? Les cuisiner comme des asperges pardi !
Après la coupe des jeunes pousses de renouée du japon, pelez les, mettez les a cuire dans l'eau bouillante salée, ou vapeur, une vingtaine de minutes. Égouttez les et laissez les refroidir. Servez les nappées d'une vinaigrette à l’échalote ou d’une émulsion de fines herbes !

Nous en reparlerons.

Annie Rouleau
Herboriste praticienne


1 Succès dans l'éradication de la renouée du japon, par Julien Poisson, 14 mars 2014, blog, Conservation de la nature Canada (CNC)
http://www.natureconservancy.ca/en/blog/la-renoue-japonaise.html




jeudi 15 janvier 2015

Quelle mouche m’a piqué?!


Songer à l’aménité par une magnifique journée claire d’automne.
Apprécier le calme d’une pluie sans vent, d’une neige ouatée bercée par la brise, d’une nuit étoilée.
Cultiver le souffle coupé par tant de beauté.
Se coucher au milieu du chemin et rire pour rien avec les copines.
Des millions de moments magiques, gratuits, sans attentes. Moments qui aiguisent le focus élémentaire sur l’état d’être.
Et puis, continuer à marcher comme si de rien n’était, illusoirement inchangé… C’est que les micro-métamorphoses provoquées par le plaisir sont peu visibles à l’œil nu.

Mais je divague de romantisme ce matin! Quelle mouche m’a piqué? Tant de mots incongrus ne laissant présager aucune suite. Mais ceux et celles qui lisent mes textes doivent s’être aperçus que je suis, en effet, une romantique finie qui affectionne les mots incongrus! C’est comme ça, je m’amuse J
Et puis, en fait, c’est d’une plante dont je veux vous parler! Une plante toute simple, mais flamboyante de par les intenses jaunes et oranges de ses fleurs. Une plante toute simple, mais ultra-puissante, promotrice d’un sain mouvement lymphatique.
La calendule. Calendula officinalis.


La lymphe est un système assez complexe, mais surtout très peu connu parce que très difficile à étudier d’un point de vue scientifique. Disons, pour faire simple, qu’entre l’extrémité des vaisseaux sanguins et le début du circuit lymphatique se trouve une substance dans laquelle, de un, le sang excrète diverses substances devant être prises en charge et, de l’autre, les cellules qui y baignent et y rejettent des déchets métaboliques, entre autre. Dans cette substance se trouvent aussi beaucoup de cellules immunitaires et beaucoup d’eau. C’est un peu comme la terre pour les plantes : Elle est matière. L’eau y pénètre et y circule, se chargeant de nutriments. Les plantes y plongent, cherchant l’eau riche et s’en nourrissant. Si la terre est trop compacte, l’eau circule mal et les plantes doivent travailler davantage pour se nourrir. Si elle est trop lâche, trop aérée, elle se draine trop vite et offre peu. Et si il n’y a pas assez d’eau, hé bien… C’est la mort. Même chose pour le corps humain.

Des plantes comme la calendule facilitent le mouvement de circulation dans cette substance extracellulaire où se touchent tant de choses. Et qui dit bonne circulation, dit meilleure élimination des déchets, donc meilleure santé! C’est simple non?

Étant très douce, la calendule convient bien aux enfants, aux personnes âgées et pour les traitements de fond à long terme en situations non aigües, ouvrant délicatement la porte au travail de détoxification profond.
Elle est particulièrement indiquée pour les troubles inflammatoires intestinaux, de même que pour l’hyperperméabilité intestinale, les ulcères, de la bouche au colon, les candidoses. Elle tonifie tout bonnement la muqueuse digestive.
Et puis, ce qu’elle fait à l’intérieur, elle le fait aussi à l’extérieur… sur la peau. La peau aime la calendule! Même lorsqu’appliquée en externe, la calendule agira sur la lymphe et aidera à diminuer l’inflammation cutanée. En fait, elle aide tous les troubles cutanés, des gerçures d’allaitement aux plaies qui guérissent mal; de l’acné au muguet et aux enflures de piqures; des yeux irrités à l’herpès simplex.
Parlant d’herpès, abordons brièvement l’effet antiviral de la calendule. La plante inhibe en fait la croissance de nombreux virus, entre autre ceux des oreillons, de la mononucléose, de la grippe, de la varicelle et d’autres virus responsables de nombreuses maladies infantiles.
Elle est, la plupart du temps, utilisée en combinaison à d’autres plantes spécifiques au trouble adressé. Mais, comme je dis souvent, l’automédication a ses limites. Il est important d’avoir un plan de traitement à court, moyen et long terme lorsqu’on choisit de se soigner avec des plantes et les spécialistes sont là pour ça. Je vous dis tout cela parce que je suis une herboriste poétesse qui aime les plantes et les connais, qui affectionne particulièrement l’écrit et trouve important de faire circuler quelques filons d’information !
Revenons à la calendule.
Comme toutes les plantes qui stimulent le système lymphatique, son usage requiert un apport d’appui aidant le corps à efficacement gérer les toxines alors remises en circulation. Ces toxines peuvent surcharger le foie dans son travail et ainsi causer d’autres troubles. Il est donc recommandé de parallèlement soutenir celui-ci avec des plantes hépatiques comme le chardon Marie. Le corps sera ainsi à même de mieux gérer tout le branle-bas de combat qu’une détox engendre. J’imagine que personne ne sera surpris si je suggère d’ajouter a cela de nombreux litres d’eau!
Voilà pour la théorie.

Le corps humain fait partie, à mon sens, des grandes merveilles de ce monde. C’est une lumière d’aube tendre et fragile. C’est une avalanche qui arrache tout. C’est la beauté pure, insoupçonnée.
Un grain d’aménité n’est pas superflu lorsqu’on souhaite honnêtement s’en occuper!

Annie Rouleau
Herboriste praticienne

(Texte paru dans le journal Le Tour de Sutton)