dimanche 15 décembre 2013

Il était une fois…


Dix herboristes en herbes qui marchaient en forêt, observant, commentant, écoutant attentivement leur mentor disserter sur la vaste panoplie florale du lieu.
« Humez celle-ci », « goûtez celle-là », « remarquez ce petit détail permettant l’identification », « voyez-vous l’Aralia racemosa? » … « Heu…  non », de répondre la troupe d’apprenties. « Elle est pourtant juste devant vous! »



Bon nombre d’années se sont depuis écoulées et pourtant, encore, cette plante demeure à mes yeux introuvable, invisible. Du coup, j’ai conclu qu’elle devait être sans intérêt! Du genre « plante verte de sous-bois que l’on méprend pour tant d’autres ». Erreur! L’Aralia racemosa est tout, sauf inintéressante. Sa sœurette est à mon sens encore plus extraordinaire. L’Aralia nudicaulis. Elle fait partie de mes premières découvertes et je lui voue un amour inconditionnel! Ce qui n’est pas peu dire. Souffrez que je parle en je, ce que j’évite formellement d’habitude, la frivolité étant un état qui me plaît trop peu pour que j’ai envie d’en être inspirée sérieusement.

Revenons à nos moutons.

Les deux araliacées dont il est question ici sont indigènes d’Amérique du nord. Les forêts de nos contrées en sont souvent fort bien garnies, du moins de la nudicaulis puisque, comme je disais, je ne saurais même pas pointer la racemosa ! LOL. Elles se ressemblent quand même un peu. L’Aralia nudicaulis est assez petite, avec une seule feuille par tige, divisée en folioles, généralement cinq. Floraison printanière se manifestant en petits pompons blancs du genre ombelle ronde poussant sous la feuille. Sûre que vous en avez déjà vu quelque part! Le rhizome est l’organe qui nous intéresse. Chacune de ses cicatrices indique une année de croissance. J’en ai déjà vu un qui en portait plus de soixante-quinze… C’est tout juste si je ne me suis pas mise à pleurer!

Le trait commun entre les deux est la forme des folioles parce qu’autrement, la racemosa est plus du type arbuste composé de plusieurs branches pouvant atteindre le mètre et demi facile. Son rhizome est beaucoup moins découpé, se composant davantage d’un amas de tiges que d’un long machin courant sous l’humus, comme la nudicaulis. Encore, je ne la reconnais pas!! Pardonnez le rejet flagrant que j’impose à l’une pour honorer autant l’autre et s’il vous plaît, ne retenez que l’essentiel ! Merci.

Les deux plantes ont sensiblement les mêmes fonctions. Sachez cependant que peu d‘études corroborent les usages que nous faisons des Aralia. Il s’agit de connaissances empiriques provenant surtout des peuples amérindiens. N’en demeure pas moins que l’extrapolation est une technique de recherche qui, à mon sens, mérite beaucoup d’attention. Donc, extrapolons ; les plantes en question sont des araliacées tel que mentionné précédemment. Elles sont donc proche parentes du ginseng. Ce dernier est reconnu pour ses qualités « adaptogènes », donc ayant un effet global, non-spécifique et tonique des systèmes immunitaire et endocrinien. Beaucoup de peuples amérindiens mâchaient le rhizome d’Aralia nudicaulis en période de chasse pour subvenir à leurs besoins d’énergie, idem pour le ginseng en Asie, utilisé plus largement qu’en période de chasse. Voilà pour l’extrapolation.
N’empêche que dans la pratique « herboristique », les aralia en générales sont utilisées comme toniques du cortex surrénalien, donc pour tout ce qui implique la gestion du stress et de ses impacts sur le corps.

Maintenant, les principaux usages de ces plantes sont les suivants :
L’Aralia nudicaulis est utilisée en externe pour soulager les prurits provoqués par l’eczéma, le zona, la varicelle. Même chose pour l’Aralia racemosa. Elles sont alors utilisées en liniment, donc macérées dans un alcool très fort pour usage externe (isopropylique), ou en compresse d’une décoction de rhizome frais ou séché. Elles sont aussi utilisées pour les fractures, ecchymoses ou inflammations, souvent en cataplasme de rhizome frais ou séché. Sur une contusion fraichement administrée, le rhizome un peu mâchouillé (question d’en faire un truc qui s’applique sur la peau) fait des merveilles! Il suffit d’avoir une petite trousse de premiers soins à portée de main et le tour est joué! Pas de bosse ni de bleu!
Autres indications que se partagent les Aralia ; le système respiratoire. Elles peuvent toutes deux être utilisées pour soulager les bronchites, rhumes et autres grippes à toux sèche et aigüe. Utiliser alors une teinture ou une décoction.

J’avais, en fait, vraiment juste envie de vous parler de l’Aralia, nudicaulis vous aurez deviné, parce je la trouve merveilleuse !
Monter au lac Mohawk en grignotant un bout de son rhizome complète le bonheur d’arriver en haut et de voir cette eau magnifique, calme, noire, happant l’âme et le corps vers son abîme voluptueux. Le bonheur!

Un jour je saurez aimer et vous faire aimer l’autre aussi, l’Aralia racemosa. Me manque qu'à la rencontrer!

J

Annie Rouleau
Herboriste-praticienne
annieaire@gmail.com