mercredi 17 mai 2017

Rein moral

Force de joie
Paix assise
Forêt compacte
Arôme déité
Contre ombres
Veille flamme
L’essence tonique
En corps mieux

Ces mots équivoques, nés de la plume de mon amie Mylou Sauvage, sont comme la plante du jour, le romarin, Rosmarinus officinalis. Plante d’hiver, de situations froides où le corps a du mal à garder ou à fabriquer sa chaleur. Plante de frileux pâlot aux mains et pieds gelés, d’enfant chétif, lunatique. Plante d’aïeule aux doigts noueux et aux genoux douloureux, sujette à l’oubli et aux petites absences de l’instant présent. Il offre à nos âmes nord américaines un souffle de la méditerranée.

Le romarin réduit la fragilité des capillaires, ce qui le rend fort utile pour le soin des varices et pour le soulagement des douleurs causées par les vaisseaux obstrués. Il est traditionnellement utilisé comme tonique cardiaque et pour le traitement de l’hypotension, surtout lorsque ces situations sont liées à des faiblesses, de l’épuisement, des étourdissements et des troubles de concentration.
Comme le Ginkgo biloba, le romarin est un grand allié du cerveau et de ses petits vaisseaux sanguins. Pour la mémoire et la concentration, l’acuité mentale, la vue. Il pousse le sang aux confins du corps humain.
En usage externe, le romarin peut être appliqué en compresse1 sur les reins pour réchauffer, sur les entorses et foulures, les rhumatismes et l’arthrite. Il provoque alors un afflux sanguin à la surface, apportant un extra d’oxygène et facilitant l’élimination des toxines et de l’inflammation.

La plante est très riche en huiles essentielles. On trouve sur le marché principalement trois d’entre-elles, soit celles à plus forte teneur en camphre, en verbénone et en cinéole, chacune ayant ses spécificités.
L’huile essentielle de romarin à camphre est efficace pour les crampes, spasmes, courbatures, douleurs des articulations. Elle agit comme décontractant musculaire.
Celle à verbénone est surtout indiquée pour son effet antiseptique cutané ; acné, peau grasse et petites blessures. Elle stimule aussi le foie et la vésicule biliaire. Ajoutée au shampoing ou utilisé en rince, elle tonifie et assainie le cuir chevelu.
Celle à cinéole, quand à elle, agit davantage sur les troubles respiratoires avec surproduction de mucus au niveau des sinus, bronches et poumons.
Pour les peaux sensibles, il est préférable d’appliquer les huiles essentielles mélangées à un peu d’huile neutre.

Toutes les merveilleuses actions des huiles essentielles extraites se retrouvent dans la plante entière lorsque prise en infusion ou en teinture.
Pour le système digestif, le romarin améliore la sécrétion de la bile et la digestion. Aussi, comme grosso modo toutes les plantes aromatiques et comme les lamiacées en général, il est hyper antibactérien, aidant ainsi au maintient ou au rétablissement d’une saine flore intestinale. Les muqueuses et les flores du corps étant toutes très similaires, le romarin agit donc sur celles de la bouche, du vagin, du système respiratoire, sur la peau.
Pour les infections de la bouche, gencives et dents et pour les maux de gorge, utiliser entre autre en gargarisme.
Pour la grippe, le rhume, la bronchite et autres infections respiratoires, la sinusite, le romarin décongestionne et soulage. En infusion, teinture, inhalation, miel infusé, etc. Comme ces huiles essentielles sont antispasmodiques, il peut aider à soulager les crises d’asthme.
Pour les infections vaginales, bactériennes ou à levure, en douche si vous êtes adeptes, en bain pour les moins ferventes. Préparer une forte infusion ajoutée à l’eau du bain ou dans une bassine pour un soin plus local.
Toujours en bain et pour revenir un peu sur les indications précédemment nommées : basse pression, épuisement, douleurs musculaires et articulaires, pour les maux de tête aussi.

Un autre élément fort important du romarin apporté par d’autres composants phytochimiques présents dans la plante, soit des diterpènes tricycliques nommés acide carnosolique et carnosol - molécules fort jolies quant à leur structure et on ne peut plus médicinales quant à leur action - le romarin fait partie des grands antioxydants du règne végétal. Grace à celles-ci et à d’autres composants phytochimiques, il protège les cellules, notamment celles du foie, du cerveau, des yeux.
À ce titre et suite aux études réalisées à date, le romarin et ses composants peuvent potentiellement entrer dans les protocoles de prévention et de traitement de cancers. Je dis potentiellement parce qu’il est d’usage d’être frileux quant aux allégations, même si nos ancêtres soignaient d’ors et déjà les mêmes maux qu’aujourd’hui avec les mêmes plantes. La compréhension de la santé, de la maladie et de la guérison ne relève que partiellement des avancées scientifiques.

Un moyen agréable pour qui veut prendre du romarin est de le boire en infusion matinale. Comme il est stimulant, il fera office de réveil matin. Pour cette même raison l’infusion prise le soir risque fort de nuire au sommeil.  Autrement, le romarin n’est déconseillé, en usage interne, que durant la grossesse et pour les gens sujet à l’hypertension. Consultez votre herboriste !

Je vous laisse là-dessus.
Cheers !

Annie Rouleau
Herboriste praticienne


1 pour faire des compresses il suffit de préparer une infusion assez forte de plante, i.e. une bonne cuillérée à thé de plante par tasse d’eau infusée 5 à 10 minutes, laisser tiédir puis appliquer sur la zone affectée à l’aide d’une débarbouillette imbibée.

Bouquet garni

On m’a dit, un jour, que la mémoire olfactive est la plus forte de toutes celles que nous possédons. Peut-être est-ce un attribut témoignant de notre généalogie de mammifères. En tout cas si je fouille mes souvenirs, il est indéniable que les odeurs sont des machines à voyager dans le temps plus qu’efficaces. Il va sans dire que les effluves africains furent particulièrement impressionnants pour la petite fille que j’étais et que je suis toujours lorsque je croise un jasmin, un mimosa ou un feu d’acacia. Le soleil équatorial exacerbe tout. Celui de la méditerranée aussi et sa référence est peut-être un peu plus commune. L’odeur de térébenthine des pinèdes, celle quasi métallique des rochers chauds, le parfum suave des lauriers, les bouquets de thym et de romarin qui piquent les yeux tant leurs huiles essentielles sont puissantes.
Si les odeurs ont réellement cette capacité de nous propulser dans nos souvenirs, je trouve qu’il serait intéressant pour l’humanité d’identifier le parfum pourtant si distinctif de la connerie. Peut-être certaines erreurs redondantes pourraient alors être évitées.

Les plantes ne permettent pas d’éluder les méprises, mais elles peuvent certainement en soulager certaines conséquences. Par exemple, je me suis trouvée, l’automne dernier, dans une situation pénible qui a tôt fait de me puer au nez. Résultat : une sinusite carabinée. Ainsi, dans ma potion j’ai versé, entre autre, du thym et du romarin.

Ces deux plantes ont énormément d’affinités avec le corps et quand je dis énormément, c’est pas des blagues. Tous les systèmes y passent. Pour éviter l’éparpillement, je me concentrerai aujourd’hui sur le thym et reviendrai une autre fois sur le romarin.

Le thym a quand même des systèmes de prédilection, soit respiratoire et digestif. C’est un puissant antiseptique ayant un large spectre d’action. Sa haute teneur en huiles essentielles, principalement le thymol et le carvacrol, explique ses propriétés.
Pour le système respiratoire, le thym agit aussi bien en début d’attaque de rhume ou de grippe ; quand les symptômes semblent superficiels et n’atteignent que les sinus et la gorge, ou lorsque l’infection devient plus profonde et affecte les bronches et les poumons. De par ses propriétés expectorantes et calmantes, il soulage extraordinairement bien la toux, tant sèche et sifflante que bien grasse et roulante. Donc du petit rhume à l’asthme ou à la pire « ite » respiratoire : rhinite, laryngite, bronchite ; le thym, seul ou en combinaison avec d’autres plantes spécifiques, fait des merveilles. En plus, on le retrouve presque à coup sur dans la plupart des armoires à épices des cuisines minimalement équipée, ce qui en fait un allié facile d’accès.
On peut l’utiliser en infusion, bue bien chaude ou prise en inhalation : ½ à 1 cuillérée à thé de plante par tasse d’eau. Un sirop peut aussi s’avérer digne d’intérêt: il suffit de préparer une décoction en mijotant à feu doux le thym et l’eau. Les proportions peuvent être semblables à celle de l’infusion. Il est important de ne pas bouillir pour éviter d’évaporer trop agressivement les huiles essentielles. Mijoter donc quelques minutes, filtrer puis continuer à chauffer doucement pour réduire la préparation de moitié ou du ¾. Refroidir et ajouter du miel ou du sirop d’érable à raison de trois parts de décoction réduite pour une part d’agent sucrant. Garder réfrigéré. De multiples variantes peuvent être apportées selon vos besoins et vos goûts.

Au niveau digestif, encore grâce à son extraordinaire capacité antiseptique, le thym sert à maintenir ou à rétablir une saine flore intestinale. Il convient aux situations spasmées, gonflées, ulcérées, parasitées. Il stimule la digestion, calme les crampes et son astringence aide à réduire les diarrhées. Les parasites et les bactéries genre E-Coli 1 ne lui résiste pas. Je ne dis pas que le travail est miraculeux mais, bien entreprit, soigner une parasitose ou une grosse infection bactérienne est à la portée de tous et le thym entrera à coup sur dans le protocole.
On l’utilise aussi en rince-bouche pour maintenir, ou rétablir, la santé des dents et des gencives.

Toujours grâce aux mêmes propriétés, le thym aide à traiter la peau blessée, brulée ou ulcérée, les dermatoses, le muguet, les mycoses. Utiliser les feuilles fraîches, mâchouillées puis appliquées directement sur les bobos, ou préparer une infusion forte à appliquer en compresses ou en bain. Attention à l’huile essentielle ; elle est un peu trop puissante pour être appliquée directement sur la peau, il convient de la diluer dans une généreuse part d’huile neutre.
En fait et pour résumer d’une manière simple et globale, on peut penser au thym pour toute situation infectée, comme base antiseptique, combiné à des plantes spécifiques au problème.

Le thym agit aussi sur d’autres systèmes du corps, actions que je ne pourrai exposer ici, faute de place. J’y reviendrai au prochain numéro dans une mini-monographie du romarin. Les deux plantes, comme je disais précédemment, ont beaucoup d’actions communes, à quelques nuances près.

À suivre, donc, et bon printemps !

Annie Rouleau
Herboriste praticienne



1 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19552781