samedi 15 octobre 2011

Trametes versicolor et perfectibilité


Il y a de nombreuses années, lors d’une de mes premières balades didactiques en forêt, notre professeure nous montra un joli champignon couvrant des souches tombées. Elle nous dit que ce polypore n’était alors pas très connu, mais que nous pouvions nous permettre d’extrapoler les connaissances actuelles en matière de champignons médicinaux et présumer que celui-ci pourrait avoir de merveilleuses propriétés. Or il s’avère que d’autres ont suivi le même sentier de conjecture que ma prof et que ledit champignon est largement utilisé, surtout en Médecine Traditionnelle Chinoise et au Japon. Il fait l’objet d’études cliniques, brèves mais nombreuses, pour ses qualités comme traitement adjuvant à des protocoles anti-cancer… Je parle du Trametes versicolor, aussi connu sous le nom de Coriolus versicolor. Depuis au moins vingt-cinq ans, l’extrait de polysaccharides qu’il contient est commercialisé, prescrit et utilisé, particulièrement par les oncologues japonais, dans le traitement de cancers colorectal, de l’estomac, du sein, etc. Les produits se nomment PSK (Krestin), et PSP, pour polysaccharide peptide.
Le fait qu’il soit si peu connu en Amérique du nord relève davantage de pathologies de nos systèmes de santé publique que de la véracité des usages que l’on peut faire du Trametes versicolor. Mais l’humain est perfectible, alors explorons!

 
Les champignons médicinaux, comme le Trametes, contiennent des composés phytochimiques qui, dans l’organisme, stimulent les fonctions immunitaires et inhibent la croissance tumorale. Il s’agit de grosses molécules osidiques, des polysaccharides, ou sucres complexes. Ces molécules se retrouvent aussi dans certaines plantes, comme l’échinacée. Elles ont la particularité de ressembler à des molécules présentes sur la membrane cellulaire de certaines bactéries. Voyant arriver ces « éléments », le corps répond comme s’il était sous attaque bactérienne, démarrant une foule de réactions visant à mater l’envahisseur. Plusieurs cellules immunitaires sont ainsi activées, comme les macrophages, les cellules tueuses naturelles (NK) et autres anticorps.D’autres molécules, aussi présentes dans les champignons médicinaux mais plus petites et moins « étudiées », remplissent d’autres fonctions. Dans le cas du Trametes, il est principalement indiqué pour le traitement d’infections, bactériennes et virales, allant jusqu’au VIH. Il est aussi utilisé, entre autre grâce à ces propriétés antioxydantes, pour diminuer les taux de cholestérol et pour améliorer les fonctions hépatiques (hépatites, etc.). Récemment, il s’est aussi avéré efficace pour traiter la malaria.
Pour l’heure, les études cliniques officielles ne se sont pas tellement concentrées sur ces dernières fonctions, se penchant davantage sur les propriétés antitumorales et de modulation immunitaire. N’en demeure pas moins que le champignon est utilisé et que les résultats cliniques alternatifs existent.
Autre point intéressant, le Trametes versicolor est de plus en plus reconnu pour ses capacités à décontaminer des eaux usées et des pollutions environnementales graves comme celles produites par l’anthracène, les dioxines et les pesticides organophosphorés.

D’un point de vue médicinal, il n’est pas nécessaire d’avoir un cancer pour bénéficier des qualités du Trametes versicolor. Les champignons médicinaux sont excellents pour tonifier le système immunitaire, qu’il soit à peine affaibli par quelques rhumes consécutifs, ou visiblement atteint par des troubles plus chroniques et pernicieux.
Le seul hic, c’est l’approvisionnement en produits de qualité. Le Krestin PSK n’est pas disponible en Amérique du nord, le PSP non plus. Certaines compagnies états-uniennes offrent des capsules de Trametes mais les trouver en magasin relève de l’exploit. Internet demeure une bonne ressource, cependant une recherche approfondie s’impose sur la qualité et la provenance des champignons utilisés. Comme il absorbe les contaminants, il peut lui même être intoxiqué.

Les principaux composants du trametes étant solubles dans l’eau, il y a donc une alternative « maison » aux produits introuvables! Il s’agit de préparer un concentré liquide, que nous appellerons un sirop. La première étape sera de récolter. Trouvez une belle population de Trametes, jeunes et vigoureux, en zone sauvage visiblement saine (i.e. pas dans un dépotoir…). Ne récoltez pas plus de vingt-cinq pourcent des individus. Coupez les champignons près de la base à l’aide d’un couteau coupant. Nettoyez-les délicatement. Une quantité raisonnable, pour un usage personnel, serait de cent cinquante grammes pour un traitement d’environ un mois. Poser les champignons dans une grande casserole et ajouter six litres d’eau. Porter à ébullition, puis baisser le feu et mijoter au moins deux heures. Filtrer et laisser réduire à feu doux jusqu’à ce qu’il ne reste que six cent millilitres de liquide concentré. Ajouter cent cinquante millilitres de mélasse naturelle, bien mélanger. Prendre vingt-cinq millilitres par jour, pour 30 jours. Garder au frigo, la mélasse conserve mais pas à température pièce.
Pour des troubles important, les champignons médicinaux sont en général combinés entre eux et avec d’autres plantes. Il est alors important de choisir le mélange en fonction des besoins spécifiques personnels. Une consultation en herboristerie clinique ou en naturopathie est alors recommandée. Autrement, aucune contre-indication n’est répertoriée, que du beau et du bon!

Annie Rouleau
Herboriste praticienne
annieaire@gmail.com

Références

Medicinal Mushrooms, An exploration of Tradition, Healing & Culture, par Christopher Hobbs, L.Ac. ©1986, Botanica Press