mardi 16 avril 2013

Survivantes préhistoriques


De l’ère paléozoïque demeurent quelques vestiges végétaux encore bien vivants. La prèle des champs en est un, comme les fougères et les lycopodes. Elle est utilisée par l’humain depuis au moins quelques centaines d’années et, comme tant d’autres, elle n’est l’objet que de quelques rares études cliniques plus ou moins bien documentées, donc peu crédibles pour les scientifiques. Les connaissances empiriques demeurent le gage de ses qualités thérapeutiques.



De sa taille monumentale de jadis, la prèle des champs, Equisetum arvense, est aujourd’hui une petite envahisseuse de bords de routes. Elle pousse en deux étapes. Une première, fertile, où elle se dresse en tiges beiges segmentées coiffées d’un épi pointu dispersant les spores reproductrices. Elle ne reste ainsi que peu de temps et laisse place à la deuxième étape, des tiges stériles d’un magnifique vert tendre, fines, droites et également segmentées, aux aisselles desquelles jaillissent de petites branches aux multiples jointures. Aucunes fleurs ni aucuns fruits ne sont produits. D’un point de vue botanique, la prèle ne ressemble à aucune espèce connue.

Ses qualités médicinales sont principalement dues à son contenu élevé en minéraux et en oligo-éléments, particulièrement la silice, le calcium et le zinc.

Elle sert aux soins du système urinaire, favorisant la production d’urine et l’élimination de métabolites et d’eau. Seule ou combinée à d’autres plantes, elle est utile en cas de rétention d’eau, d’infection et d’inflammation des voies urinaires et pour l’élimination de calculs rénaux.
Autre système sur lequel la prèle agit, celui du squelette humain. Elle augmente la disponibilité du calcium. Ce qui fait d’elle une alliée importante pour la prévention et le traitement de l’ostéoporose, de fractures, de troubles des articulations. Aussi pour la santé des ongles et des cheveux et pour la guérison des plaies, en usage interne et externe.
La silice est cependant capricieuse quand à sa délicatesse avec le corps. Il est important de récolter la prèle au début de l’apparition des tiges stériles, soit dans les quatre semaines suivant leur apparition, après quoi la silice quelles contiennent cristallise et devient potentiellement irritante, surtout pour les reins. Par contre, les plus vielles tiges sont utiles pour tout autre chose; elles servent à récurer et à polir le métal et le bois.
Il convient de bien identifier l’Equisetum arvense. Certaines de ses cousines, comme les Equisetum hyemale et palustre, ont une toxicité considérable.

Pour l’infusion, mettre une grosse cuillérée à thé de plante séchée par tasse d’eau bouillante, infuser quinze minutes, filtrer et boire de une à trois tasses par jour. Pour extraire au maximum les composantes minérales de la prèle, la macération dans le vinaigre est idéale. Un bon vinaigre de cidre de pomme bio fait l’affaire. Hacher les tiges en petits morceaux, en remplir un pot genre Masson, couvrir de vinaigre, placer une pellicule plastique sur le goulot puis installer le bouchon.
Le contact entre le métal et le vinaigre est à proscrire. Bien agiter le contenu chaque jour pour au moins la première semaine puis laisser reposer durant trois à cinq semaines dans un endroit sec et à l’abris de la lumière. Ensuite filtrez et transvider dans une bouteille de verre brun ou opaque.
Encore une fois, l’automédication ne devrait être pratiquée que par les gens expérimentés ou dûment formés. Sinon, consultez votre herboriste ou renseignez-vous auprès d’une personne de confiance.

La prèle ne devrait pas être prise durant la grossesse ni par des personnes souffrant de gros problèmes rénaux. Autrement, lorsque toutes les consignes sont respectées, elle ne peut que faire du bien.

Bon printemps!

lundi 8 avril 2013

Grand Esprit


L’image de magnanimité qui me vient en tête est celle d’une vieille sage-femme intemporelle, critique et sévère mais compatissante et aimante. Tous et toutes la consulte. Elle accueille, écoute et guide vers le mieux être, peut importe son antagoniste. Cette sage-femme est entourée de plantes, séchées, fraîches, macérées, en flacons, en pot ou suspendues à l’ombre.
Une des plantes de son dispensaire rejoint particulièrement l’aspect magnanime de son travail. C’est l’herbe des petits casse-cou et des grands téméraires, celle des maladroits aussi, ou des malchanceux chroniques, bref de tous ceux et celles qui sont sans cesse ecchymosés de pied en cap. L’arnica.



L’espèce d’arnica la plus courante est celle originaire des montagnes d’Europe, Arnica montana. Elle fait aujourd’hui partie des espèces protégées. En Amérique du nord, on retrouve encore à l’état sauvage quelques populations d’Arnica cordifolia surtout, mais aussi des Arnica fulgens, sororia et latifolia. Ces dernières sont indigènes dans les rocheuses canadiennes et dans les états avoisinants, de l’Alaska jusqu’au sud de la Californie. Au Québec, l’Arnica lanceolata se trouve surtout en Gaspésie et dans le bas Saint-Laurent. Elle est endémique dans le nord-est de l’Amérique et fait aussi parti des espèces menacées, donc protégées. On peut également retrouver quelques autres espèces ça et là autour du golfe et dans l’Ungava. Si l’un ou l’une d’entre vous trouvez un jour une petite colonie d’arnica sauvage dans nos contrées, ne la cueillez pas mais photographiez allègrement! La plante se cultive bien, pour autant que le substrat idéal soit préparé. Elle préfère les sols légèrement acides.

Les premiers écrits décrivant ses propriétés datent du 15ème siècle mais l’usage médicinal de l’arnica remonte littéralement à la nuit des temps, en Europe et en Amérique. Elle fut longtemps utilisée pour des troubles des systèmes circulatoire et respiratoire, digestifs et nerveux aussi. Cependant, comme la plante est toxique en dose relativement petite, elle est « interdite » pour usage interne. Par contre, l’application topique, donc externe et localisée, de préparations d’arnica est toujours de mise aujourd’hui, usage reconnu, approuvé et prescrit par de nombreux ouvrages de références, notamment par la Commission E allemande.

Ses noms communs sont évocateurs : bruchkraut (herbe aux fractures) et fallkraut (herbe aux chutes) en allemand, panacée des chutes pour certains français. L’arnica est une des plantes importantes du traitement des chocs et des traumatismes. Contusion, ecchymose, entorse, foulure, dislocation, accident, douleurs musculaires et arthritiques, bursite, phlébite superficielle, œdème. Appliquée rapidement après un choc, en quelques heures le résultat est surprenant.
La présence dans la plante de ce qui fut anciennement nommé le « principe amer », les lactones sesquiterpéniques, expliquerait l’action de l’arnica. Ces lactones inhibent un des circuits de communication cellulaire responsable de l’inflammation. Grâce aussi à d’autres composantes biochimiques, l’arnica active la phagocytose, donc le nettoyage des tissus endommagés. Elle stimule la dilatation des vaisseaux sanguins, favorisant ainsi le transport du sang dans les régions endommagées ou en inflammation, ce qui accélère la guérison.
Autre application de l’arnica à souligner : en gargarisme pour les infections de la gorge et pour l’inflammation des gencives. Ne pas avaler.

Par contre et encore à cause de son potentiel toxique, elle peut aussi provoquer des réactions cutanées chez certaines personnes hypersensibles ou réactives à la famille des astéracées (pissenlit, herbe à poux, marguerite, échinacée, etc.), un peu de prudence est de mise. Pour elles, il est préférable d’utiliser un concentré liquide dilué, par exemple, une part de teinture d’arnica pour six parts d’eau. Autre mise en garde pour l’usage externe de l’arnica; la peau doit être intacte, donc pas d’application sur une plaie ouverte, sauf en périphérie. Le résultat d’une réaction à l’arnica en usage externe est davantage embêtant que dangereux. Une irritation et un possible œdème surviennent en pareil cas. Les symptômes disparaissent rapidement.

Pour toutes les raisons mentionnées de potentielle toxicité, l’arnica est souvent utilisée en préparations homéopathiques et en élixir floral. Des crèmes et onguents sont courants en pharmacie et en magasin, de même que les différentes dilutions en granules. C’est le genre de petit tube dose que toute personne aventurière ou fréquemment chargée des premiers soins de la troupe devrait avoir dans son sac en permanence. Les granules sont aussi utilisées quelques semaines avant une chirurgie pour diminuer l’inflammation et la douleur postopératoire et pour favoriser le rétablissement.



La liste de références étant assez longue, n’hésitez pas à m’écrire pour en connaitre les détails.

Allez les bleus!


Annie Rouleau
Herboriste-praticienne