Dix herboristes en herbes qui marchaient en
forêt, observant, commentant, écoutant attentivement leur mentor disserter sur
la vaste panoplie florale du lieu.
« Humez celle-ci », « goûtez
celle-là », « remarquez ce petit détail permettant
l’identification », « voyez-vous l’Aralia racemosa? » … « Heu… non », de répondre
la troupe d’apprenties. « Elle est pourtant juste devant vous! »
Bon nombre d’années se sont depuis écoulées et
pourtant, encore, cette plante demeure à mes yeux introuvable, invisible. Du
coup, j’ai conclu qu’elle devait être sans intérêt! Du genre « plante
verte de sous-bois que l’on méprend pour tant d’autres ». Erreur! L’Aralia racemosa est tout, sauf
inintéressante. Sa sœurette est à mon sens encore plus extraordinaire. L’Aralia nudicaulis. Elle fait partie de
mes premières découvertes et je lui voue un amour inconditionnel! Ce qui n’est
pas peu dire. Souffrez que je parle en je, ce que j’évite formellement
d’habitude, la frivolité étant un état qui me plaît trop peu pour que j’ai
envie d’en être inspirée sérieusement.
Revenons à nos moutons.
Les deux araliacées dont il est question ici
sont indigènes d’Amérique du nord. Les forêts de nos contrées en sont souvent
fort bien garnies, du moins de la nudicaulis
puisque, comme je disais, je ne saurais même pas pointer la racemosa ! LOL. Elles se
ressemblent quand même un peu. L’Aralia
nudicaulis est assez petite, avec une seule feuille par tige, divisée en
folioles, généralement cinq. Floraison printanière se manifestant en petits
pompons blancs du genre ombelle ronde poussant sous la feuille. Sûre que vous en
avez déjà vu quelque part! Le rhizome est l’organe qui nous intéresse. Chacune
de ses cicatrices indique une année de croissance. J’en ai déjà vu un qui en portait
plus de soixante-quinze… C’est tout juste si je ne me suis pas mise à pleurer!
Le trait commun entre les deux est la forme
des folioles parce qu’autrement, la racemosa
est plus du type arbuste composé de plusieurs branches pouvant atteindre le
mètre et demi facile. Son rhizome est beaucoup moins découpé, se composant
davantage d’un amas de tiges que d’un long machin courant sous l’humus, comme
la nudicaulis. Encore, je ne la
reconnais pas!! Pardonnez le rejet flagrant que j’impose à l’une pour honorer
autant l’autre et s’il vous plaît, ne retenez que l’essentiel ! Merci.
Les deux plantes ont sensiblement les mêmes
fonctions. Sachez cependant que peu d‘études corroborent les usages que nous
faisons des Aralia. Il s’agit de
connaissances empiriques provenant surtout des peuples amérindiens. N’en
demeure pas moins que l’extrapolation est une technique de recherche qui, à mon
sens, mérite beaucoup d’attention. Donc, extrapolons ; les plantes en
question sont des araliacées tel que mentionné précédemment. Elles sont donc
proche parentes du ginseng. Ce dernier est reconnu pour ses qualités
« adaptogènes », donc ayant un effet global, non-spécifique et
tonique des systèmes immunitaire et endocrinien. Beaucoup de peuples amérindiens
mâchaient le rhizome d’Aralia nudicaulis en
période de chasse pour subvenir à leurs besoins d’énergie, idem pour le ginseng
en Asie, utilisé plus largement qu’en période de chasse. Voilà pour
l’extrapolation.
N’empêche que dans la pratique
« herboristique », les aralia
en générales sont utilisées comme toniques du cortex surrénalien, donc pour
tout ce qui implique la gestion du stress et de ses impacts sur le corps.
Maintenant, les principaux usages de ces
plantes sont les suivants :
L’Aralia nudicaulis est utilisée en externe pour soulager les prurits provoqués par
l’eczéma, le zona, la varicelle. Même chose pour l’Aralia racemosa. Elles sont alors utilisées en liniment, donc
macérées dans un alcool très fort pour usage externe (isopropylique), ou en compresse
d’une décoction de rhizome frais ou séché. Elles sont aussi utilisées pour les
fractures, ecchymoses ou inflammations, souvent en cataplasme de rhizome frais
ou séché. Sur une contusion fraichement administrée, le rhizome un peu
mâchouillé (question d’en faire un truc qui s’applique sur la peau) fait des
merveilles! Il suffit d’avoir une petite trousse de premiers soins à portée de
main et le tour est joué! Pas de bosse ni de bleu!
Autres indications que se partagent les Aralia ; le système respiratoire.
Elles peuvent toutes deux être utilisées pour soulager les bronchites, rhumes
et autres grippes à toux sèche et aigüe. Utiliser alors une teinture ou une
décoction.
J’avais, en fait, vraiment juste envie de vous
parler de l’Aralia, nudicaulis vous aurez deviné, parce je
la trouve merveilleuse !
Monter au lac Mohawk en grignotant un bout de
son rhizome complète le bonheur d’arriver en haut et de voir cette eau magnifique, calme, noire, happant l’âme et le corps vers son abîme voluptueux.
Le bonheur!
Un jour je saurez aimer et vous faire aimer l’autre
aussi, l’Aralia racemosa. Me manque
qu'à la rencontrer!
J
Annie Rouleau
Herboriste-praticienne
annieaire@gmail.com