« La vacuité ne vide pas les choses de leur
contenu, elle est leur véritable nature »
Philippe
Cornu, citant le philosophe Madhyamika Nāgārjuna
Le vide. Le silence. L’étrange angoisse du moment de
pause de la nageuse au centre d’un lac noir. S’abandonner au vide. Flotter en
apesanteur et se sentir si minuscule, si vulnérable, mais si bien! C’est
l’acceptation de la vulnérabilité qui permet le bien-être, autrement elle se
transforme en peur. Tout peut arriver dans l’imaginaire.
Il n’y a pas de plantes médicinales qui créent
réellement l’état de vide, du moins pas directement. Toutes les plantes
calmantes peuvent aider, mais en général, des techniques physiques sont plus
populaires comme le yoga, la méditation, les bains flottants et les lacs noirs,
le parapente…
Mais permettez-moi tout de même de vous parler d’une plante,
l’ortie. Pour certains, elle représente la résistance des libertés
individuelles 1, pour d’autres elle symbolise la luxure, ou la
trahison, ou la cruauté. On l’emploie pour les rituels de suppression de la
peur. L’ortie représente aussi la franchise, car, contrairement à d’autres,
elle ne cherche pas à masquer ses défauts derrière une apparence flatteuse.
Moi, elle me fait penser aux moufettes, pas besoin d’être gros et méchant pour
éloigner les indésirables!
Mais parlons de l’ortie pour ses merveilleuses
propriétés médicinales et pour son soutien au rein, siège de l’essence de l’être, mais aussi de la peur et de la
vulnérabilité.
L’ortie est un grand tonique général. « Elle
redonne force, courage et vitalité » 2. Elle agit sur tout le
corps, de la racine des cheveux au bout des orteils. C’est une revitalisante.
Les jeunes feuilles peuvent être mangées cuites comme des épinards. Elles sont
très riches en chlorophylle, en minéraux et en vitamines, bref, très
nutritives. Elles sont entre autres une excellente source de fer, aidant en
plus son absorption, donc pouvant contribuer à contrer l’anémie. Tous ces
minéraux ont de surcroit une action alcalinisante pour le sang et qui dit
alcalinisation, dit santé des os, des articulations.
Étant diurétique, l’ortie stimule l’excrétion d’acide
urique et de déchets azotés, soutenant ainsi la détoxification de l’organisme
et aidant à diminuer les dommages et douleurs causés par l’arthrite et les rhumatismes.
Elle agit aussi directement sur les reins, allant même jusqu’à régénérer leurs
fragiles tissus. Son action s’étend aux surrénales, agissant alors un peu à la
façon des plantes adaptogènes – celles qui n’agissent sur rien de spécifique, mais
plutôt sur l’entièreté de l’organisme, favorisant l’adaptation au stress et
tonifiant le système immunitaire. On l’utilise, en combinaison avec d’autres,
pour à peu près tous les dérèglements endocriniens. Tonique « all the
way », elle est!
Et puisqu’elle favorise l’élimination des déchets,
elle contribue aux soins des peaux malades : eczéma, acné, psoriasis, pour
le cuir chevelu aussi. On applique en rince après shampoing une infusion ou un
vinaigre macéré de feuilles d’ortie.
Tous les systèmes du corps bénéficient de l’ortie :
par sa légère astringence, elle aide à diminuer le flux sanguin de menstruations
trop abondantes, à arrêter de petites hémorragies et à soulager les troubles
digestifs, gastriques et intestinaux; son immense contenu nutritif – notamment
en vitamine K– en fait une alliée « de luxe » pour les futures mamans
tout au long du troisième trimestre de grossesse; elle stimule et enrichit la
production de lait; sa racine est une des plantes utilisées pour traiter
l’hypertrophie de la prostate… Et je ne pousse pas mémé dans les orties!
Merveille au vert si profond, l’ortie nourrit
l’humain, nourrit la terre. La fibre de ses tiges est tissée en
toile forte, en tissu souple, en filet de pêcheur, en corde de Tarzan. Sa brûlure ramène dans l’instant présent. Pour les plus téméraires, frictionner une articulation prise d’arthrite avec ses feuilles fraîches crée un apport sanguin soulageant la douleur pour plusieurs jours. Ça peut paraître fou, mais c’est faisable! Sachez aussi que, par son intelligence infinie, la nature fait pousser son antidote très souvent juste à côté de l’ortie : la patience crépue, Rumex crispus. Broyez une feuille de patience entre vos doigts et frotter sur la brûlure.
Merveilleuse est cette terre verte, si fragile, si
vulnérable et si puissante, comme la nageuse qui accepte l’immensité noire du
lac qu’elle franchit et en vient à ne plus faire qu’un avec le tout.
Annie Rouleau
Herboriste praticienne
annieaire@gmail.com
Références :
2 Materia Medica,
Flora Medicina école d’herboristerie
- Medicinal Herbalism, par David
Hoffmann, Éditions Healing Arts Press © 2003
- Healing Wise, Wise Woman Herbal, par
Susun S. Weed, Ash Tree Publishing © 1989
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