lundi 25 août 2014

Nature


« La vacuité ne vide pas les choses de leur contenu, elle est leur véritable nature »
Philippe Cornu, citant le philosophe Madhyamika Nāgārjuna

Le vide. Le silence. L’étrange angoisse du moment de pause de la nageuse au centre d’un lac noir. S’abandonner au vide. Flotter en apesanteur et se sentir si minuscule, si vulnérable, mais si bien! C’est l’acceptation de la vulnérabilité qui permet le bien-être, autrement elle se transforme en peur. Tout peut arriver dans l’imaginaire.



Il n’y a pas de plantes médicinales qui créent réellement l’état de vide, du moins pas directement. Toutes les plantes calmantes peuvent aider, mais en général, des techniques physiques sont plus populaires comme le yoga, la méditation, les bains flottants et les lacs noirs, le parapente…

Mais permettez-moi tout de même de vous parler d’une plante, l’ortie. Pour certains, elle représente la résistance des libertés individuelles 1, pour d’autres elle symbolise la luxure, ou la trahison, ou la cruauté. On l’emploie pour les rituels de suppression de la peur. L’ortie représente aussi la franchise, car, contrairement à d’autres, elle ne cherche pas à masquer ses défauts derrière une apparence flatteuse. Moi, elle me fait penser aux moufettes, pas besoin d’être gros et méchant pour éloigner les indésirables!

Mais parlons de l’ortie pour ses merveilleuses propriétés médicinales et pour son soutien au rein, siège de l’essence de l’être, mais aussi de la peur et de la vulnérabilité.
L’ortie est un grand tonique général. « Elle redonne force, courage et vitalité » 2. Elle agit sur tout le corps, de la racine des cheveux au bout des orteils. C’est une revitalisante. Les jeunes feuilles peuvent être mangées cuites comme des épinards. Elles sont très riches en chlorophylle, en minéraux et en vitamines, bref, très nutritives. Elles sont entre autres une excellente source de fer, aidant en plus son absorption, donc pouvant contribuer à contrer l’anémie. Tous ces minéraux ont de surcroit une action alcalinisante pour le sang et qui dit alcalinisation, dit santé des os, des articulations.
Étant diurétique, l’ortie stimule l’excrétion d’acide urique et de déchets azotés, soutenant ainsi la détoxification de l’organisme et aidant à diminuer les dommages et douleurs causés par l’arthrite et les rhumatismes. Elle agit aussi directement sur les reins, allant même jusqu’à régénérer leurs fragiles tissus. Son action s’étend aux surrénales, agissant alors un peu à la façon des plantes adaptogènes – celles qui n’agissent sur rien de spécifique, mais plutôt sur l’entièreté de l’organisme, favorisant l’adaptation au stress et tonifiant le système immunitaire. On l’utilise, en combinaison avec d’autres, pour à peu près tous les dérèglements endocriniens. Tonique « all the way », elle est!

Et puisqu’elle favorise l’élimination des déchets, elle contribue aux soins des peaux malades : eczéma, acné, psoriasis, pour le cuir chevelu aussi. On applique en rince après shampoing une infusion ou un vinaigre macéré de feuilles d’ortie.

Tous les systèmes du corps bénéficient de l’ortie : par sa légère astringence, elle aide à diminuer le flux sanguin de menstruations trop abondantes, à arrêter de petites hémorragies et à soulager les troubles digestifs, gastriques et intestinaux; son immense contenu nutritif – notamment en vitamine K– en fait une alliée « de luxe » pour les futures mamans tout au long du troisième trimestre de grossesse; elle stimule et enrichit la production de lait; sa racine est une des plantes utilisées pour traiter l’hypertrophie de la prostate… Et je ne pousse pas mémé dans les orties!

Merveille au vert si profond, l’ortie nourrit l’humain, nourrit la terre. La fibre de ses tiges est tissée en

toile forte, en tissu souple, en filet de pêcheur, en corde de Tarzan. Sa brûlure ramène dans l’instant présent. Pour les plus téméraires, frictionner une articulation prise d’arthrite avec ses feuilles fraîches crée un apport sanguin soulageant la douleur pour plusieurs jours. Ça peut paraître fou, mais c’est faisable! Sachez aussi que, par son intelligence infinie, la nature fait pousser son antidote très souvent juste à côté de l’ortie : la patience crépue, Rumex crispus. Broyez une feuille de patience entre vos doigts et frotter sur la brûlure.

Merveilleuse est cette terre verte, si fragile, si vulnérable et si puissante, comme la nageuse qui accepte l’immensité noire du lac qu’elle franchit et en vient à ne plus faire qu’un avec le tout.

Annie Rouleau
Herboriste praticienne
annieaire@gmail.com


Références :


- Medicinal Herbalism, par David Hoffmann, Éditions Healing Arts Press © 2003
- Healing Wise, Wise Woman Herbal, par Susun S. Weed, Ash Tree Publishing © 1989

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