mercredi 6 juin 2012

Points de myrrhe


Voici une bien curieuse caractéristique que celle de l’ubiquité! Aux mains de certains hommes, car les femmes semblent moins enclines à posséder ce genre de dons, elle n’est que synonyme de pouvoir. De « Big Brother is watching you! » à la UID, ou Ubiquitus ID, que je ne prétend aucunement comprendre mais qui me parait terrifiante, les quelques réussites humaines à maitriser l’ubiquité ne sont pas très « humanistes ». L’immortalité me parait plus poétique. Survivre aux âges, être de toutes les époques, voilà, ce me semble, un phantasme de science fiction plus attirant que celui d’être partout à la fois!

La pharmacopée médicinale est remplie de plantes ayant traversé le temps. Des plantes que l’humain utilise depuis des milliers d’années et qui, sans aujourd’hui faire partie des codex officiels, sont néanmoins fort efficaces. La myrrhe en est une. Cette gomme oléorésineuse exsude du tronc des arbustes du genre Commiphora. Durant la floraison ou pour parer une blessure, l’arbre sécrète spontanément de petites larmes de myrrhe. La récolte se fait aussi en entaillant le tronc pour provoquer la production. Il fut un temps où la myrrhe valait autant et même davantage que l’or. Ainsi durant plusieurs siècles, les contrées marchandes s’enrichirent allègrement. Originaire du nord-est de l’Afrique et de la péninsule arabique, la myrrhe est utilisée depuis des temps immémoriaux, tant pour ses vertus médicinales que pour des usages rituels. Il est dit que la myrrhe fut l’un des trois cadeaux offerts par les Rois Mages à l’ubiquiste le plus connu; Jésus. Mais son utilisation date de bien avant l’ère chrétienne. Le plus ancien écrit relatant son usage est le papyrus Ebers rédigé possiblement au seizième siècle avant notre ère. Ce document fait partie des plus anciens textes médicaux auxquels nous pouvons nous référer. La myrrhe était utilisée dans l’Égypte ancienne entre autre au cours du processus de momification.

La principale variété de myrrhe médicinale est issue de l’arbuste Commiphora myrrha. Étant très peu soluble dans l’eau, la gomme oléorésineuse est préparée en macération dans un alcool à haut pourcentage, appelée une teinture, ou distillée pour extraire les huiles essentielles. La liste des usages qu’en ont fait les humains depuis autant de milliers d’années est impressionnante. Ceux qui demeurent importants aujourd’hui font appel aux propriétés antiseptique, expectorante-stimulante, astringente, mucolytique et amer de la myrrhe.
Elle sert à traiter les infections et inflammations de la bouche et de la gorge : aphtes et ulcères buccaux, abcès, gingivite, maux de gorge, pharyngite. Elle entre par ailleurs dans la composition de dentifrice et de poudre dentaire. Pour le système respiratoire, elle aide à décoller, liquéfier et éliminer les sécrétions qui obstruent les voies respiratoires. On l’utilise en cas de rhume, de toux grasse, sinusite.
L’effet antiseptique de la myrrhe s’applique aussi à la peau. Les soldats de la Grèce antique en avaient toujours avec eux en temps de guerre et l’utilisaient pour aseptiser les blessures et éviter la gangrène. Il en est de même aujourd’hui. L’application de myrrhe sur les lésions cutanées et les plaies désinfecte et accélère la cicatrisation.
Le système digestif bénéficie aussi des propriétés médicinales de la myrrhe. Ses principes amers favorisent la digestion. Elle est aussi utilisée pour calmer l’aérophagie et éliminer les flatulences et certains parasites intestinaux.
Ce sont, en gros, les principaux usages de la myrrhe. Muqueuses infectées ou mucus compact et obstruant, la myrrhe fait des merveilles. Et puis aussi, elle est jolie et parfume délicieusement l’air domestique lorsque brulée sous forme d’encens.

Notez que son usage par voies internes est déconseillé durant les trois premiers mois de grossesse. Quelques cas d’irritation cutanée son répertoriés. En usage externe, les personnes ayant une peau très sensible peuvent donc envisager de diluer la myrrhe pour pouvoir l’utiliser sans risque, tant en teinture qu’en huile essentielle.

La teinture de myrrhe devrait être prise sur une période de trois semaines maximum pour les traitements internes des voies respiratoires et digestives. Pour les problèmes de bouche et de gorge, elle peut être utilisée directement sur le bobo, ou diluée dans de l’eau et utilisée en rince-bouche ou en gargarisme. Pour la peau, encore une fois la teinture peut être mise pure sur l’affection ou diluée et appliquée en liniment. L’huile essentielle peut elle aussi être ointe directement sur les lésions, même dans la bouche. On peut également en frictionner quelques gouttes sur la gorge ou l’abdomen pour calmer l’inflammation.

Voilà! Myrrhe mythique apprivoisée pour soigner nos blessures. Continuons à en faire bon usage pour des siècles et des siècles!

Annie Rouleau
Herboriste praticienne
annieaire@gmail.com

Références
Medical Herbalism, par David Hoffmann, éditions Healing Arts Press © 2003
Materia Medica, école Flora Medicina, © 2000
The Energetics of Western Herbs,par Peter Holmes, éditions Snow Lotus Press © 1998

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