samedi 14 mai 2011

Éloge de la grande Boréale

Dans notre pays, il existe des forêts magnifiques. Des lieux grandioses de beauté et de majesté. Des forêts non pas vierges parce que fréquemment pénétrées, mais inviolées de par la puissance de leur nature. Des forêts capables de danser avec les hommes qui les foulent et de s’ouvrir aux femmes qui les honorent.
Ces forêts sont précieuses, indispensables même. Bien sur elles contribuent à la production d’oxygène, au stockage de gaz carboniques, au nettoyage de l’air. Elles sont une source constante de nutriments pour le plancton marin qui lui, produit le plus gros de l’oxygène planétaire. J’en passe, la liste des fonctions vitales de la forêt est longue.
Mais les forêts ont en outre, je dirais même surtout, une fonction d’aménité. Le contact avec la nature et la beauté sauvage est aussi vital que respirer, boire et manger. La notion d’aménité est de plus en plus considérée par les gens soucieux d’environnement et de développement durable. Et l’aspect esthétique de la nature n’est pas le seul point estimé; son rôle émotif et spirituel fait aussi partie de la conscience de nombre d’humains. Pas tous, malheureusement. Il existe encore tellement d’hommes, et de femmes, qui voient la nature comme une chose à contrôler, à dominer. Erreur! Grossière erreur. Danger même. À voir l’état dramatique dans lequel se trouvent, et la planète, et la race humaine, l’éloge de la beauté ne peut qu’avoir une résonnance salvatrice. Raymond Lévesque avait raison, quand les « Hommes » vivront d’amour, il n’y aura plus de misère. Mais moi, j’aimerais ne pas être morte, mon frère!
Est-ce possible? Est-il envisageable que Stephen Harper soit un jour touché par l’époustouflante splendeur d’un paysage sauvage? Franchement, est-ce possible?
L’éducation demeure probablement la meilleure voie. Sériner combien il est important de respecter la nature, comment la connaître et l’utiliser intelligemment, comment s’en imbiber et s’en inspirer. Apprendre à marcher comme les renards quand on sort des sentiers. Savoir que les lichens ne croissent que de quelques millimètres par an, ou que le trille ne produit sa première fleur qu’après environ huit années.
Éduquer donc, mais aussi accepter et respecter les différences de points de vue. Imaginez la scène : un petit groupe de marcheurs contemplatifs, sortant d’une promenade dominicale dans une forêt magique, rencontre au tournant un convoi en moto cross, plus bruyantes et provocatrices les unes que les autres. Les groupes se mattent, se jaugent, curieux mais en garde, prêts à l’assaut ou à la fuite. Au sentiment d’agression d’abord ressenti chez les bucoliques succède une appréciation du plaisir évident que les cowboys éprouvent au volant de leurs machines. Et vice-versa. Un salut respectueux clôturera la brève réunion de deux groupes, opposés en apparence. On aurait tout aussi bien pu imaginer une confrontation, elles sont fréquentes dans ce genre d’amalgame et le résultat est alors pour le moins non constructif. Auraient-ils pu prolonger la rencontre? Dresser dardar un feu de camps et échanger, bière à la main, sur leur amour respectif de la forêt? Peu probable mais possible, pourvu que chacun des êtres présents reste humain et écoute autant qu’il parle.
Les forêts sont précieuses et indispensables. Elles sont une source à laquelle peut s’abreuver la profondeur de l’être. Elle sont des lumières pouvant éclairer les caves, vaseuses, où sont tapis tant d’humains. Profitons-en sagement.


© Annie Rouleau, 2011

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