L’image de
magnanimité qui me vient en tête est celle d’une vieille sage-femme
intemporelle, critique et sévère mais compatissante et aimante. Tous et toutes
la consulte. Elle accueille, écoute et guide vers le mieux être, peut importe
son antagoniste. Cette sage-femme est entourée de plantes, séchées, fraîches,
macérées, en flacons, en pot ou suspendues à l’ombre.
Une des plantes
de son dispensaire rejoint particulièrement l’aspect magnanime de son travail.
C’est l’herbe des petits casse-cou et des grands téméraires, celle des
maladroits aussi, ou des malchanceux chroniques, bref de tous ceux et celles
qui sont sans cesse ecchymosés de pied en cap. L’arnica.
L’espèce
d’arnica la plus courante est celle originaire des montagnes d’Europe, Arnica montana. Elle fait aujourd’hui
partie des espèces protégées. En Amérique du nord, on retrouve encore à l’état
sauvage quelques populations d’Arnica cordifolia surtout, mais aussi
des Arnica fulgens, sororia et latifolia. Ces dernières sont indigènes
dans les rocheuses canadiennes et dans les états avoisinants, de l’Alaska
jusqu’au sud de la Californie. Au Québec, l’Arnica lanceolata se trouve surtout en Gaspésie et dans le bas Saint-Laurent. Elle est endémique dans le nord-est de
l’Amérique et fait aussi parti des espèces menacées, donc protégées. On peut également
retrouver quelques autres espèces ça et là autour du golfe et dans l’Ungava. Si
l’un ou l’une d’entre vous trouvez un jour une petite colonie d’arnica sauvage
dans nos contrées, ne la cueillez pas mais photographiez allègrement! La plante
se cultive bien, pour autant que le substrat idéal soit préparé. Elle préfère
les sols légèrement acides.
Les premiers
écrits décrivant ses propriétés datent du 15ème siècle mais l’usage
médicinal de l’arnica remonte littéralement à la nuit des temps, en Europe et
en Amérique. Elle fut longtemps utilisée pour des troubles des systèmes
circulatoire et respiratoire, digestifs et nerveux aussi. Cependant, comme la
plante est toxique en dose relativement petite, elle est « interdite »
pour usage interne. Par contre, l’application topique, donc externe et
localisée, de préparations d’arnica est toujours de mise aujourd’hui, usage
reconnu, approuvé et prescrit par de nombreux ouvrages de références, notamment
par la Commission E allemande.
Ses noms communs sont évocateurs : bruchkraut (herbe aux fractures) et fallkraut (herbe
aux chutes) en allemand,
panacée des chutes pour certains français. L’arnica est une des plantes
importantes du traitement des chocs et des traumatismes. Contusion, ecchymose,
entorse, foulure, dislocation, accident, douleurs musculaires et arthritiques,
bursite, phlébite superficielle, œdème. Appliquée rapidement après un choc, en
quelques heures le résultat est surprenant.
La présence
dans la plante de ce qui fut anciennement nommé le « principe amer »,
les lactones sesquiterpéniques, expliquerait l’action de l’arnica. Ces lactones
inhibent un des circuits de communication cellulaire responsable de
l’inflammation. Grâce aussi à d’autres composantes biochimiques, l’arnica active
la phagocytose, donc le nettoyage des tissus endommagés. Elle stimule la
dilatation des vaisseaux sanguins, favorisant ainsi le transport du sang dans
les régions endommagées ou en inflammation, ce qui accélère la guérison.
Autre
application de l’arnica à souligner : en gargarisme pour les infections de
la gorge et pour l’inflammation des gencives. Ne pas avaler.
Par contre et encore
à cause de son potentiel toxique, elle peut aussi provoquer des réactions
cutanées chez certaines personnes hypersensibles ou réactives à la famille des
astéracées (pissenlit, herbe à poux, marguerite, échinacée, etc.), un peu de
prudence est de mise. Pour elles, il est préférable d’utiliser un concentré
liquide dilué, par exemple, une part de teinture d’arnica pour six parts d’eau.
Autre mise en garde pour l’usage externe de l’arnica; la peau doit être
intacte, donc pas d’application sur une plaie ouverte, sauf en périphérie. Le
résultat d’une réaction à l’arnica en usage externe est davantage embêtant que
dangereux. Une irritation et un possible œdème surviennent en pareil cas. Les
symptômes disparaissent rapidement.
Pour toutes les
raisons mentionnées de potentielle toxicité, l’arnica est souvent utilisée en
préparations homéopathiques et en élixir floral. Des crèmes et onguents sont
courants en pharmacie et en magasin, de même que les différentes dilutions en
granules. C’est le genre de petit tube dose que toute personne aventurière ou
fréquemment chargée des premiers soins de la troupe devrait avoir dans son sac
en permanence. Les granules sont aussi utilisées quelques semaines avant une
chirurgie pour diminuer l’inflammation et la douleur postopératoire et pour
favoriser le rétablissement.
Allez les
bleus!
Annie Rouleau
Herboriste-praticienne
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